Comment serait-ce possible de rester, nous-aussi, indépendants, avec la belle joie de l’insouciance, de la tolérance, au-delà de tout, à l’intérieur de tout, en nous-mêmes, seuls, unis, libres, sans com- paraisons, sans rivalités, sans contrôles, sansque nous soyons mesurés par les attentes ou les exigences des autres ?

Comment faire pour rester comme cela, moi en train de regarder la lanière de ta sandale qui sépare à mes yeux ton orteil, cet orteil irréprochable, de l’endroit où je me trouve, d’un endroit secret que je suis le seul à connaître, à côté des lauriers-roses, où les feuilles argentées de la nuit sont en train de tomber sur ton épaule et où le bruit de la fontaine passe, imperceptible, sous nos ongles.

ORESTE DE YANNIS RITSOS, 1966

Dans la mythologie grecque, Oreste est un Atride, fils du roi Agamemnon et de Clytemnestre Ce n’est encore qu’un jeune homme au moment où Agamemnon de retour de Troie est assassiné par Clytemnestre et son amant Égisthe. Sa sœur, Electre, craignant pour la vie de son frère, réussit à le confier à leur oncle Strophios qui vit en Phocide. Là-bas, il se lie d’amitié avec son cousin Pylade. Parvenu à l’âge adulte, Oreste revient à Argos accompagné de Pylade, pour réaliser l’oracle d’Apollon : venger son père en tuant sa mère Clytemnestre et Égisthe.

Plus que tragique, Oreste (1966) de Yannis Ritsos est un héros dramatique. C’est un choix douloureux qu’il devra faire, un dilemme qu’il essayera de résoudre lors de cette nuit là. Son monologue pose des questions très essentielles : la question du héros et de son simulacre, la question de l’aliénation au sein d’un combat commun, et avant tout la question de l’action...

Il ne s’agit pas, dans ce cas là, d’un certain sentiment de culpabilité de la part d’Oreste, mais du constat d’un dédoublement intérieur, de la menace de la disparition de son ego. Deux forces contraires, agissent à l’intérieur de lui : la revendication de l’intégrité individuelle et le devoir social auquel, au début, il ne croit guère. Cependant à la fin du poème le lien entre les deux se rétablit.


Dramaturgie, mise en scène et scénographie :
Ioannis KATSANOS
,

Interprétation
:

Nicos STAMOGIANNIS (en grec)


Lecture en français
Jeremie SISKA

Traduction française

Filippos KATSANOS


Création vidéo:
Panagiotis KYRILLOS, Ioannis KATSANOS,
Theocharis PAPADOPOULOS

Chorégraphie
Zoe EFSTATHIOU

Costumes
Vassiliki LEFKOUDI

Couture de costumes
Christos DIMITRIADIS, Christos MPIMPITSOS
Modus vivendi, Thessalonique.
Marianthi SPYROU, Chalcis

Fabrication de décors
Lefteris VENECANI



Contact : Ioannis KATSANOS ioannis.katsanos@ulb.ac.be

Réservations : 0488/283013, Entrées : 9€ (tarif réduit : 7€)

http://grec-moderne-ulb.blogspot.com/

UN PRINCE AUX ABATTOIRS

Au siècle d'Oreste et d'Electre qui se fait jour, Œdipe sera tout simplement une comédie.

HEINER MULLER

Avant même qu'il naisse les dieux comme les hommes l'attendent. L'un des des derniers survivants d'une odieuse race noyée dans le sang et les dîners d'horreur. Il lui échut d'être un prince aux abattoirs, tenant entre ses mains une tête de marbre qui épuise ses épaules et dont il ne sait que faire. Et voilà aussi son amour muet qui attend derrière lui. Il a les yeux de Pylade. Il ne parle pas, il le laisse seul à planer au-dessus de ses mémoires, ses sentiments, ses pensées qui le secouent.

Le silence mystérieux de son amour, les cris de vengeance de sa sœur Electre le plongent dans le désespoir le plus profond et le conduisent à une rage incontrôlable. Un couteau profondément enfoui dans la mémoire par la main de son père l'attend. Et la matrice qui lui donna naissance, qu'il y rentre en vengeur victorieux.

Pour l'instant le voilà qu'il se tient debout. Dans l'entre-deux. Devant la porte qui changera son existence. Il est là, debout, la main sur la porte de la mémoire et avec une terreur extrême qui se dessine sur ses deux yeux. Un prince sans royaume, un amant désespéré, immensément seul devant le seuil de l'acte. Rempli de larmes et d'amour. On lui tira les cartes sans le consulter, on scruta son destin, définit sa vie, son corps et sa voix dans une forme qui ne pouvait les contenir. Il se bat pour en sortir, il se bat et bute comme le papillon de nuit sur la lumière qui l'attire et qui la tue en même temps, dénonçant tous ceux qui usurpèrent sa vie, tous ceux qui comptaient lui fermer la bouche.

Horribles profondeurs noires, hauteurs si vertigineuses. Son âme d'adolescent à l'agonie de la mort. Et sa colère à le secouer jusqu'à ce qu'il s'effondre. Cosmiquement seul, nu jusqu'à l'os, devant le seuil de l'acte. Avec des mots qui galopent sans cesse devant lui, des sentiments et des pensées vaincus traînés derrière son char. Words, words, words. Sans même qu'il ait le réconfort de la folie ou la résignation de l'autre prince, Hamlet, qui savait bien que les mots ne construisaient ni ne détruisaient une réalité amputée avançcant en boitant vers sa disparition.

Il reste là, debout. Devant la porte. Tenant d'une main la porte de la mémoire et de l'autre un couteau plein de sang pointé vers nous.

Personne ne veut donc lui parler ?



YANNIS KATSANOS,
Notice du metteur en scène,
Bruxelles, 25 Octobre 2010,

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